Interview du groupe

 

Avec L'Ecole du Micro d'Argent, IAM a d'ores et déjà réalisé l'un des tout meilleurs albums de l'année 97. Comme Noir Désir, les rappeurs marseillais sont en phase avec leur époque et parlent sans détour de ce qui les attire ou les choque. Un groupe avec une âme et une conscience.


Dans quel état d'esprit avez-vous abordé la réalisation de ce troisième album ?

Akhenaton : Auparavant, j'ai fait un album solo, Métèque et mat. Donc, quand nous nous sommes retrouvés ensemble il a fallu retrouver l'esprit de travail en groupe. Nous avons commencé à préparer ce troisième album durant l'hiver 96. Nous en avons réalisé une première mouture à New-York qui ne nous satisfaisait pas. Nous avons alors quasiment tout refait à Paris en décembre/janvier. On arrive avec un album différent de celui que l'on avait fini en août. Différent dans la conception et dans le son des albums précédents : De la planète Mars, Ombre est lumière et Métèque et mat


Le premier single, La saga, n'est sorti qu'en vinyl, pourquoi ?

Akhenaton : C'est un peu pour payer un tribut envers le vinyl. Seul les gens qui en écoutent pourront avoir La saga.


Qu'a fait le groupe pendant l'expérience solo d'Akhenaton ?

Imhotep : C'est une pause que l'on avait prévu de faire après Ombre est lumière et la tournée qui suivait qui avait été très longue. Ca a permis à chacun de réaliser ce qu'il avait envie de faire. Les projets individuels de chacun ne mettent aucunement la vie du groupe en danger. Au contraire, quand on se retrouve, on a emmagasiné de nouvelles expériences et cela régénère les envies au sein du groupe.

Akhenaton : Dans un groupe, il arrive un moment où certaines personnes ne s'épanouissent plus en faisant ce qu'ils font. Dans IAM, on est suffisamment souple et démocratique pour se donner à nous même les moyens d'évoluer vers ce que l'on veut.


Que reste-t-il des pseudo-polémiques qu'a entraîné Le Mia et auxquelles vous avez répondu avec Reste underground ?

Akhenaton : A l'époque où l'on a sorti Le Mia, presque tous les fanzines nous posaient des questions sur le fric, nous reprochant presque d'avoir du succès parce qu'ainsi on trahissait l'underground. On avait un peu flippé et on se disait que c'était facile de prendre l'underground comme prétexte. C'était facile de faire du snobisme underground. Tout le monde peut en faire. Je peux bloquer dans une cave tous les jours et dire que tout ce qui sort c'est pourri. Par contre, faire quelque chose, c'est plus difficile.


Le précédent album avait été enregistré du côté d'Aix en Provence. Pourquoi avoir enregistré celui-ci à New York ?

Imhotep : Le studio dans lequel nous avions enregistré a malheureusement fermé ses portes Nous avions donc le choix entre travailler à Paris ou à New-York et nous avons très vite décidé de partir aux Etats-Unis. L'avantage de bosser là-bas, c'est d'être confronté à l'actualité du hip-hop et de pouvoir rencontrer des rappeurs américains. On en a d'ailleurs invité quelques uns sur l'album. Pour le prochain, nous aimerions vraiment rester ici dans le Sud et, pourquoi pas, installer notre propre studio.


Du fait d'enregistrer en Amérique, n'avez-vous pas peur d'avoir perdu un peu vos sonorités méditerranéennes ?

Imhotep : Pas du tout. Et puis comme Akhenaton l'a dit, nous avons refait 80 % de l'album à Paris donc l'influence américaine n'est pas très présente. Par contre, nous avons beaucoup travaillé pour que le son soit plus brut et les arrangements plus épurés. C'est une orientation que le groupe a prise dès le début et je pense que nous y sommes parvenus.

Kheops : Tout simplement, nous voulions un son hip hop. Plus de frappe, plus de basse, un son qui fasse danser les gens.


Comme pas mal de rappeurs français en ce moment, vous avez enregistré des duos avec des rappeurs américains. Comment se passent ces rencontres ?

Imhotep : Ce qu'il y a de bien à New-York, c'est que pour trouver des mecs qui rappent bien il n'y a pas besoin de prendre des mecs très connus. Dans n'importe quel quartier, à n'importe quel coin de rue, tu as vingt-cinq groupes où les mecs tuent.

Akhenaton : Et puis surtout, nous l'avons fait avec des personnes que l'on apprécie vraiment. Ce ne sont pas des duos arrangés par les maisons de disques avec une "star" pour faire du battage médiatique. (NDLR: Akhenaton fait sans doute allusion au duo Ophélie Winter/Coolio). Nous avons également collaboré avec pas mal de rappeurs français comme Fabe, Nalini, Daddy Nuttea, East...


Parlez-nous de La saga.

Akhenaton : C'est un morceau qui a été très long à mettre en place, à enregistrer et le clip a lui aussi été long à mettre en boîte. Dans chaque album, on a un titre épique, un titre-concept. Là, c'était en plus une collaboration avec des rappeurs américains : Timbo King, Dreddy Krueger et Prodigal Sunn. C'est la Saga de l'Ecole du Micro d'Argent. Je pense que vous comprendrez mieux en voyant le clip qui utilise des images de science-fiction et de l'époque médiévale chinoise.


Vous qui avez passé quelques temps aux Etats-Unis, comment les américains perçoivent-ils le rap français ?

Akhenaton : Avant, on était perçu comme des rappeurs "exotiques". C'est à dire, c'est bien rigolo dix minutes mais après ça gave. (Rires) Il faut remettre les choses dans leur contexte, les américains parlent en chiffre. Ils se sont aperçus que la France était le deuxième marché dans le monde pour le hip hop, donc ils s'intéressent de plus près à la France. Mais ça ne va guère plus loin...


En France, avec quels groupes avez-vous de bons liens ?

Akhenaton : Surtout avec les groupes de notre ville, c'est à dire la Fonky Family, le 3ème Oeil, les ex-membres de Soul Swing... Ca se passe toujours bien à Marseille. Sinon, on rencontre quelques groupes quand on est sur Paris comme Ministère A.M.E.R., MC Solaar, Idéal J, 2 Bal' 2 Neg', La Cliqua...


Qu'est-ce que le Côté Obscur ?

Akhenaton : Au départ, c'était un collectif de rappeurs qui comprenait plusieurs groupes. Par la suite, c'est devenu pour nous une société d'édition, de management et, qui sait à l'avenir si Dieu le veut, de production. Nous aimerions vraiment pouvoir produire des groupes de Marseille.


Dernièrement, lors du festival Logique Hip Hop à Marseille, vous avez tenu une sorte de conférence de presse pour régler quelques tensions entre des personnes...

Akhenaton : ll y avait de l'animosité de la part de gens qui croyaient qu'IAM était le Père Noël à Marseille. Alors on a expliqué à ces gens qu'aucun d'entre nous n'a la barbe blanche et la cape rouge. Et que l'on fait quelque chose quand on le peut. On ne construit pas sur de l'eau, on construit sur du dur. Le principal, c'est de faire ce qui nous plaît. Inévitablement, quand il y a du succès, tu crées de l'aîgreur, alors on a profité de cette occasion pour clarifier les choses avec ces personnes.

Freeman : Des fourmis ne peuvent pas gouverner des éléphants (rires).


Vous aviez lancé le concept du "hold up mental", malheureusement le Front National a opté pour la méme technique et ça marche plutôt bien dans la région. Comment voyez vous ça ?

Akhenalon : ll y a un terreau pour que ça se développe. Je pense qu'il ne faut pas excuser les gens qui votent pour le FN. Il faut arrêter de dire que les gens sont perdus, que c'est un vote de protestation. Vote de protestation. mon cul ! Les gens sont responsables de leur vote. Maintenant, je veux adresser un message à tous les jeunes, où qu'ils soient: inscrivez-vous sur les listes électorales avant le 31 décembre pour leur foutre une claque aux Législatives de 98 ! C'est ce qu'on va s'appliquer à faire sur Marseille. Et vous allez voir que si tous les jeunes votent, il va y avoir un changement !


Que feriez-vous si on vous demandait de vous installer à Paris pour travailler à une carrière internationale ?

Akhenaton : Ah non ! Tu es inconscient ou quoi ! (Rires) On est bien à Marseille, on est tranquille. On est loin de toutes les histoires et du superflu qui peut exister dans une ville comme Paris. Chez IAM, pas de soirée branchée ! (Rires) Le fait d'être loin de Paris nous permet d'avoir du recul par rapport à tout ça.

Freeman: Paris, Paris, ce n'est pas le centre du monde !


Comment percevez-vous l'évolution de la scène rap française ?

Akhenaton : Je pense que les rappeurs sont de plus en plus responsables. Ils se prennent en charge, autoproduisent leur disque... C'est important d'étre structuré dans le business, de bien gérer ses affaires pour avoir un suivi de carrière.

Freeman : Et puis le mouvement hip hop va continuer à prendre de l'ampleur car tous les jeunes grandissent avec et ils arrivent à l'âge adulte en aimant toujours cette musique.

Akhenaton : On est là pour longtemps, les gars !


Fatal Rafale Concept & Les Djeuns (Nouvelle Vague 97)          

 

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