Interview d'Akhenaton à la sortie des singles AKH
Juin 2001



Pour un rappeur confirmé, il est étonnant de te voir revenir avec un single dans un style ego trip, qui plus est sous la forme d’un texte centré sur un de tes premiers pseudos : Akh. Pourquoi cette démarche ?

Je voulais quelque chose de très hip hop. Quand j’ai commencé à rapper, il y avait un morceau de Scooly D qui s’appelait PSK. Le thème de ce morceau est de prendre 4 mesures pour chaque lettre, tout ça pour définir ce qu’est PSK, à savoir un nom de gang. Moi j’ai tourné ça en positif avec les lettres AKH. Chaque nouvel album est une renaissance. Il est important de redéfinir tous les trucs. Surtout que je ne suis pas quelqu’un qui sort un album tous les ans. Il peut arriver que tu sautes une génération d’un album à un autre et ce morceau est une définition de ce qui a fait que je suis là aujourd’hui, pourquoi je fais du Rap, et finalement une définition de moi-même aussi. Ce sont des morceaux de souvenirs qui paraissent anodins, mais qui ont fait ma carrière en fait. Je parle vraiment des tous débuts dans ce morceau. Je pense que c’est important. Je ne voulais pas revenir avec un truc introspectif, lourd en paroles. Là je m’amuse quand même. C’était surtout axé sur la production, que ce soit un truc puissant. C’est du brut. Même les morceaux ego trip font partie de mes bases. Je me souviens qu’à l’époque, j’étais dans le même délire avec Faf La Rage. On en parlait récemment.


Tu es connu pour avoir plusieurs pseudos (Chill, AKH, Sentenza…) Ont-ils chacun une signification bien précise ?

Ils sont en rapport avec ma personnalité à un moment donné. Le jeu commercial veut que tu aies un pseudo et que tu marquètes autour de ce nom. Quand ça commence à me gonfler, je sors un autre pseudo. Ce sont des trucs qui naissent des amis. Bouga m’appelle souvent Akh, par exemple.


Et le choix d’un instrumental lourd, très orienté New-Yorkais ?

Je pense qu’on vit toujours avec ses influences. Moi j’aime les prods de High Tek ou Eric Sermon. Cela va se ressentir dans l’album indirectement. L’album est plus dur que Métèque et mat. Pas spécialement au niveau des paroles, puisqu’il sera mois sombre, mais il est plus brut musicalement.


Ton premier album étais sorti chez Delabel. Là, tu sors cet album chez Hostile Records. Pourquoi ce changement ? Comment s’est opéré le rapprochement avec Hostile ?

Très simplement parce qu’ ils ont manifesté l’envie auprès de Delabel de travailler sur l’album, et que je fais confiance aux gens qui manifeste une envie. Sans même faire de réunion préalable, je les ai laissé faire le projet. Ce sont des personnes avec qui j’arrive bien à dialoguer, à avoir des idées. C’est une équipe de gens qui cernent notre musique et je pense que c’est important. Pour la version H, je me suis dit, pourquoi ne pas faire la version H comme Hostile. J’ai donc choisi 3 artistes du label avec qui j’avais déjà travaillé : Pit Baccardi & Lino, avec qui j’ai fait le morceau « L’art de la guerre » et Rohff que j’avais croisé à un moment donné. Ce qui m‘a donné l’idée, c’est le morceau de Craig Mack : « Flavor in your air », qu’il avait d’abord fait seul, puis avec Notorious BIG et LL Cool G.


Sur le maxi K, il y a aussi un remix signé Dj Medhi (113, Mafia K’1 Fry). Quelles sont les qualités que tu apprécies chez lui ?

Il a des qualités de prise de risque et de créativité assez énormes, surtout aujourd’hui, où le Rap s’érige autour de certaines règles qui ne sont pas nécessairement de bonnes règles. C’est un producteur qui a des couilles. Au début, sa version m’a choqué parce que je trouve qu’elle a un côté très soul-rock. La bonne définition serait « Sly and the family stone ». Mais un remix doit être radicalement différent. Voilà pourquoi il y a une version de Medhi, parce qu’il était complètement barré. Le clip m’a fait encore plus apprécier la musique.


Tu t’es exprimé récemment sur les maisons de disques en déclarant la guerre aux majors. Où en es-tu de cette réflexion ?

Chez Hostile, je n’ai pas l’impression d’être en major. Ils arrivent à capter notre musique. J’y ai de vrais interlocuteurs. C’est une des rares maisons de disques en France qui n’a pas cette stratégie du single. C’est ça qui m'a gêné chez les maisons de disques maintenant. C’est qu’un album se résume à un single. Les albums sont consommés en 2 mois et puis ils prennent feu. On va essayer d’amener quelque chose de différent. Il y aura 2 sorties de singles avent la sortie de l’album, et c’est volontaire. J’ai envie d’installer quelque chose de durable dans un album. Par exemple, on a chez nous un album fini, celui de Chiens de Paille. Il est d’une qualité extrême au niveau de l’écriture, mais qui est très peu « singleisable ». Et aujourd’hui, aucune maison de disque ne veut nous le signer en licence. Du coup, il sort en indépendant chez nous. Je peux annoncer la date, il sort le 9 Octobre.


Pourquoi la Cosca ne pourrait-elle pas se substituer à une maison de disques ?

Il faut de gros fonds, ce qui coûte très cher, c’est une équipe, c’est avoir la masse salariale pour embaucher 5 ou 6 personnes. Il faut pouvoir payer tes clips, aller voir les radios, etc… C’est envisageable, mais c’est encore trop tôt. C’est la prochaine étape.


Gardes-tu le contrôle artistique et promotionnel de ton travail ?

Je fais mon travail tel que j’imagine qu’il soit bien. Je fais jouer la franchise. Je n’ai jamais craché dans la soupe. Cela ne sert à rien de dire que Skyrock c’est de la merde, et après être content quand on voit ses relevés SACEM. Par contre, je n’ai jamais fait de version Sky de mes morceaux, parce que je ne vois pas l’utilité de le faire avec un micro moins bon que celui que tu as en studio. Je trouve cela aberrant. Pareil, quand on fait planète Rap, je demande au programmeur de Sky, Bouneau, si c’est possible de faire notre propre sélection. J’ai pas envie de me retrouver dans une émission au milieu des Destiny’s child ou de quelques morceaux que je trouve tragiques. Mais, je ne fais rien en force. Bouneau réalise au bout d’un moment qu’il s’agit d’une vraie démarche artistique. A la rentrée, on démarre une émission 361 le lundi sur Sky, une fois par mois.


Peut on savoir où en est le chantier autour du nouvel album d’IAM ?

On va adopter une technique de travail d’un an en studio. On va jeter des morceaux, en garder, en refaire d’autres, varier les structures, faire des trucs de fous. Je pense qu’avec IAM, on va innover, puisque c’est le principe du groupe. On ne va pas faire un album de suiveurs. Il y a 20 instrumentaux qui ont été retenus la semaine dernière, dont 4 ou 5 sont redoutables, principalement des instrus d’Imhotep. L’écriture commence aujourd’hui, le 10 Juin. On est le 1er jour de l’album, on essayera de le sortir en 2002.


On te voit très peu sur scène tout seul. Peut on s’attendre à quelque chose de ce coté là ?

J’ai une sorte de contrat moral avec IAM, et quand je monte sur scène, c’est avec les autres. Je ne suis pas un artiste fais pour jouer seul sur scène. Je n’y suis pas habitué. Tout le monde sait que les grandes scènes ça n’a jamais été mon plaisir. En plus, je suis très timide, pareil pour les émission télé où je refuse quasiment 95% de ce qui m’est proposé. Tout le monde aussi commence à savoir que je fais de la spasmophilie, je n’en ai pas parlé pendant des années, mais quand j’ai une crise en direct, je te garantis que c’est très dur pour moi.


Peut- on savoir ce que tu penses du nouvel EP de Freeman ?

Ce que je vais dire, il le sait. Malek est plus qu’un membre d’IAM, c’est avant tout un ami. Par rapport à mes goûts qui sont proches de ce qui se fait dans l’underground new-yorkais, je trouve ses musiques trop mélancoliques. Il y a beaucoup de morceaux qui me plaisent dans Mars Eyes, mais j’aime Malek quand il rappe sur des trucs risqués. Un de mes plus grands souvenirs que j’ai de lui, c’est « Plus de monde » sur l’ album de Def Bond. Ce genre-là lui va bien. De toutes façons, je suis dur avec mes amis, comme j’attends qu’ils le soient avec moi. Si j’avais été lui, j'aurai un peu attendu et j’aurais sorti un véritable album.


As tu une idée de ce qui compose ton public ?

Je pense qu’il est assez varié. Pareil que celui d’IAM, mais un peu plus âgé. Le fait d’avoir une renommée moins importante qu’IAM fait que je touche un peu moins les jeunes. Les groupes comme la Fonky Family touchent un peu plus les jeunes. C’est la nature des textes qui fait ton public


Que penses-tu de la volonté de certains groupes de ne pas s’écarter de la rue ?

J’ai envie de leur dire que si tu ne t’écartes pas de la rue, c’est la rue qui s’écartera de toi. A un moment donné, on te fait sentir que tu gagnes beaucoup d’argent et même si tu n’as pas envie de changer, tu croises des amis, et 20 mètres plus loin, les gens parlent déjà de toi. Ca, il faut se le mettre dans la tête. Pour contenter 15 personnes, cela ne vaut pas le coup de ruiner sa carrière.


Arrives-tu à faire la part des choses entre la coté business et le coté artistique ?

Oui. Le fait de travailler ici, entouré d’une équipe, me permet de me poser énormément sur le coté artistique. Après, je donne des idées, on se réunit en congrès, et ils acceptent ou non les projets. Moi, je suis un rêveur. Si on me laisse faire, je te coule les sociétés. J’ai des idées artistiques, bonnes et mauvaises. Après, je laisse l’équipe faire les bons choix.


RAP n° 37- Juillet 2001
Article de Gouaille a.k.a. SKF


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