Pour un rappeur confirmé, il est étonnant de te voir revenir avec un single
dans un style ego trip, qui plus est sous la forme dun texte centré sur un de tes
premiers pseudos : Akh. Pourquoi cette démarche ?
Je voulais quelque chose de très hip hop. Quand jai commencé à rapper, il y
avait un morceau de Scooly D qui sappelait PSK. Le thème de ce morceau est de
prendre 4 mesures pour chaque lettre, tout ça pour définir ce quest PSK, à savoir
un nom de gang. Moi jai tourné ça en positif avec les lettres AKH. Chaque nouvel
album est une renaissance. Il est important de redéfinir tous les trucs. Surtout que je
ne suis pas quelquun qui sort un album tous les ans. Il peut arriver que tu sautes
une génération dun album à un autre et ce morceau est une définition de ce
qui a fait que je suis là aujourdhui, pourquoi je fais du Rap, et finalement une
définition de moi-même aussi. Ce sont des morceaux de souvenirs qui paraissent anodins,
mais qui ont fait ma carrière en fait. Je parle vraiment des tous débuts dans ce
morceau. Je pense que cest important. Je ne voulais pas revenir avec un truc
introspectif, lourd en paroles. Là je mamuse quand même. Cétait surtout
axé sur la production, que ce soit un truc puissant. Cest du brut. Même les
morceaux ego trip font partie de mes bases. Je me souviens quà lépoque,
jétais dans le même délire avec Faf La Rage. On en parlait récemment.
Tu es connu pour avoir plusieurs pseudos (Chill, AKH, Sentenza
) Ont-ils chacun
une signification bien précise ?
Ils sont en rapport avec ma personnalité à un moment donné. Le jeu commercial veut
que tu aies un pseudo et que tu marquètes autour de ce nom. Quand ça commence à me
gonfler, je sors un autre pseudo. Ce sont des trucs qui naissent des amis. Bouga
mappelle souvent Akh, par exemple.
Et le choix dun instrumental lourd, très orienté New-Yorkais ?
Je pense quon vit toujours avec ses influences. Moi jaime les prods de High
Tek ou Eric Sermon. Cela va se ressentir dans lalbum indirectement. Lalbum est
plus dur que Métèque et mat. Pas spécialement au niveau des paroles, puisquil
sera mois sombre, mais il est plus brut musicalement.
Ton premier album étais sorti chez Delabel.
Là, tu sors cet album chez Hostile Records. Pourquoi ce changement ? Comment
sest opéré le rapprochement avec Hostile ?
Très simplement parce qu ils ont manifesté lenvie auprès de Delabel de
travailler sur lalbum, et que je fais confiance aux gens qui manifeste une envie.
Sans même faire de réunion préalable, je les ai laissé faire le projet. Ce sont des
personnes avec qui jarrive bien à dialoguer, à avoir des idées. Cest une
équipe de gens qui cernent notre musique et je pense que cest important. Pour la
version H, je me suis dit, pourquoi ne pas faire la version H comme Hostile. Jai
donc choisi 3 artistes du label avec qui javais déjà travaillé : Pit Baccardi
& Lino, avec qui jai fait le morceau « Lart de la guerre » et
Rohff que javais croisé à un moment donné. Ce qui ma donné lidée,
cest le morceau de Craig Mack : « Flavor in your air », quil
avait dabord fait seul, puis avec Notorious BIG et LL Cool G.
Sur le maxi K, il y a aussi un remix signé Dj Medhi (113, Mafia K1 Fry).
Quelles sont les qualités que tu apprécies chez lui ?
Il a des qualités de prise de risque et de créativité assez énormes, surtout
aujourdhui, où le Rap sérige autour de certaines règles qui ne sont pas
nécessairement de bonnes règles. Cest un producteur qui a des couilles. Au début,
sa version ma choqué parce que je trouve quelle a un côté très soul-rock.
La bonne définition serait « Sly and the family stone ». Mais un remix doit
être radicalement différent. Voilà pourquoi il y a une version de Medhi, parce
quil était complètement barré. Le clip ma fait encore plus apprécier la
musique.
Tu tes exprimé récemment sur les maisons de disques en déclarant la guerre
aux majors. Où en es-tu de cette réflexion ?
Chez Hostile, je nai pas limpression dêtre en major. Ils arrivent à
capter notre musique. Jy ai de vrais interlocuteurs. Cest une des rares
maisons de disques en France qui na pas cette stratégie du single. Cest ça
qui m'a gêné chez les maisons de disques maintenant. Cest quun album se
résume à un single. Les albums sont consommés en 2 mois et puis ils prennent feu. On va
essayer damener quelque chose de différent. Il y aura 2 sorties de singles avent la
sortie de lalbum, et cest volontaire. Jai envie dinstaller quelque
chose de durable dans un album. Par exemple, on a chez nous un album fini, celui de Chiens
de Paille. Il est dune qualité extrême au niveau de lécriture, mais qui est
très peu « singleisable ». Et aujourdhui, aucune maison de disque ne
veut nous le signer en licence. Du coup, il sort en indépendant chez nous. Je peux
annoncer la date, il sort le 9 Octobre.
Pourquoi la Cosca ne pourrait-elle pas se substituer à une maison de disques ?
Il faut de gros fonds, ce qui coûte très cher, cest une équipe, cest
avoir la masse salariale pour embaucher 5 ou 6 personnes. Il faut pouvoir payer tes clips,
aller voir les radios, etc
Cest envisageable, mais cest encore trop
tôt. Cest la prochaine étape.
Gardes-tu le contrôle artistique et promotionnel de ton travail ?
Je fais mon travail tel que jimagine quil soit bien. Je fais jouer la
franchise. Je nai jamais craché dans la soupe. Cela ne sert à rien de dire que
Skyrock cest de la merde, et après être content quand on voit ses relevés SACEM.
Par contre, je nai jamais fait de version Sky de mes morceaux, parce que je ne vois
pas lutilité de le faire avec un micro moins bon que celui que tu as en studio. Je
trouve cela aberrant. Pareil, quand on fait planète Rap, je demande au programmeur de
Sky, Bouneau, si cest possible de faire notre propre sélection. Jai pas envie
de me retrouver dans une émission au milieu des Destinys child ou de quelques
morceaux que je trouve tragiques. Mais, je ne fais rien en force. Bouneau réalise au bout
dun moment quil sagit dune vraie démarche artistique. A la
rentrée, on démarre une émission 361 le lundi sur Sky, une fois par mois.
Peut on savoir où en est le chantier autour du nouvel album dIAM ?
On va adopter une technique de travail dun an en studio. On va jeter des
morceaux, en garder, en refaire dautres, varier les structures, faire des trucs de
fous. Je pense quavec IAM, on va innover, puisque cest le principe du groupe.
On ne va pas faire un album de suiveurs. Il y a 20 instrumentaux qui ont été retenus la
semaine dernière, dont 4 ou 5 sont redoutables, principalement des instrus
dImhotep. Lécriture commence aujourdhui, le 10 Juin. On est le 1er
jour de lalbum, on essayera de le sortir en 2002.
On te voit très peu sur scène tout seul. Peut on sattendre à quelque chose
de ce coté là ?
Jai une sorte de contrat moral avec IAM, et quand je monte sur scène, cest
avec les autres. Je ne suis pas un artiste fais pour jouer seul sur scène. Je ny
suis pas habitué. Tout le monde sait que les grandes scènes ça na jamais été
mon plaisir. En plus, je suis très timide, pareil pour les émission télé où je refuse
quasiment 95% de ce qui mest proposé. Tout le monde aussi commence à savoir que je
fais de la spasmophilie, je nen ai pas parlé pendant des années, mais quand
jai une crise en direct, je te garantis que cest très dur pour moi.
Peut- on savoir ce que tu penses du nouvel EP de Freeman ?
Ce que je vais dire, il le sait. Malek est plus quun membre dIAM,
cest avant tout un ami. Par rapport à mes goûts qui sont proches de ce qui se fait
dans lunderground new-yorkais, je trouve ses musiques trop mélancoliques. Il y a
beaucoup de morceaux qui me plaisent dans Mars Eyes, mais jaime Malek quand il rappe
sur des trucs risqués. Un de mes plus grands souvenirs que jai de lui, cest
« Plus de monde » sur l album de Def Bond. Ce genre-là lui va bien. De
toutes façons, je suis dur avec mes amis, comme jattends quils le soient avec
moi. Si javais été lui, j'aurai un peu attendu et jaurais sorti un
véritable album.
As tu une idée de ce qui compose ton public ?
Je pense quil est assez varié. Pareil que celui dIAM, mais un peu plus
âgé. Le fait davoir une renommée moins importante quIAM fait que je touche
un peu moins les jeunes. Les groupes comme la Fonky Family touchent un peu plus les
jeunes. Cest la nature des textes qui fait ton public
Que penses-tu de la volonté de certains groupes de ne pas sécarter de la
rue ?
Jai envie de leur dire que si tu ne técartes pas de la rue, cest la
rue qui sécartera de toi. A un moment donné, on te fait sentir que tu gagnes
beaucoup dargent et même si tu nas pas envie de changer, tu croises des amis,
et 20 mètres plus loin, les gens parlent déjà de toi. Ca, il faut se le mettre dans la
tête. Pour contenter 15 personnes, cela ne vaut pas le coup de ruiner sa carrière.
Arrives-tu à faire la part des choses entre la coté business et le coté
artistique ?
Oui. Le fait de travailler ici, entouré dune équipe, me permet de me poser
énormément sur le coté artistique. Après, je donne des idées, on se réunit en
congrès, et ils acceptent ou non les projets. Moi, je suis un rêveur. Si on me laisse
faire, je te coule les sociétés. Jai des idées artistiques, bonnes et mauvaises.
Après, je laisse léquipe faire les bons choix.
RAP n° 37- Juillet 2001
Article de Gouaille a.k.a. SKF